vendredi 27 octobre 2017

L'a-nécrologie de Jean Cuisenier : les ATP et la reductio ad petainum.



L’obscurité réside dans ses écrits, mais non dans la parole. (Jean Guitton à propos d’Heidegger in Profils parallèles : Claudel et Heidegger 2 : Renan, Gide, Claudel. P. 474. Paris, Fayard, 1970)

Le 23 juin 2017, Jean Cuisenier nous quittait. Ethnologue il fut, et de renom. Spécialiste de l’ethnologie française et européenne, directeur du Centre d’ethnologie française au CNRS, conservateur en chef du Musée des Arts et Traditions populaires de 1968 à 1987, il participa à l’ouverture de ce bâtiment au statut de musée national, accomplissant le rêve de Georges-Henri Rivière. Philosophe aussi il fut, à l’école d’Hegel, Husserl et Ricœur.  

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Il partage un point commun fâcheux avec le grand cinéaste Gabriel Axel : la version « papier » de son article nécrologique du Monde n’est semble-t-il jamais parue. Il a fallu se contenter de la version payante en ligne… Ce détail, que d’aucuns pourraient prendre pour purement anecdotique, nous en révèle au contraire beaucoup. Il n’est qu’à lire, pour éclairer notre affaire, l’ouvrage que Martine Segalen consacra au musée de Georges Henri Rivière Vie d’un musée 1937-2005 éditions Stock pour achever de me convaincre que décidément, il y a divorce entre la spécialité ATP et l’élite politique qui nous gouverne :. Doit-on ajouter qu’elle travailla longtemps avec Jean Cuisenier et fut co-auteure du Que-sais-je ? consacré à l’ethnologie de la France ? Je n’irai pas paraphraser une partie du titre d’un livre historiquement fameux que feu Jacques Marseille consacra à l’empire colonial et au capitalisme français, Histoire d’un divorce, mais c’est tout comme. Il y a en cette a-nécrologie de Jean Cuisenier quelque chose de punitif, pas tout à fait cependant dans le sens du Surveiller et punir de Michel Foucault.
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L’ex musée national des ATP a bel et bien été puni.
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 Coquille vide décrépite, fermé dans l’indifférence générale en septembre 2005, voilà que l’on a annoncé il y a quelques mois (en mars 2017) la renaissance du bâtiment – sous les sarcasmes de certains – après un accord signé entre la ville de Paris et la fondation Louis Vuitton, fort active au Bois de Boulogne où se dresse le bâtiment abandonné telle une antique guimbarde pourrissant dans un parking en plein air. En 2020 sera inaugurée la Maison LVMH – Arts – Talents Patrimoine. L’Etat, ex propriétaire des murs, les a cédés à la ville de Paris, qui doit procéder au désamiantage du défunt musée ainsi que sa remise en état partielle. Lorsque nos médias – qui n’avaient plus consacré ni un mot, ni une image, à ces lieux depuis les années 1990 – véhiculèrent l’info, ce fut parfois dans la raillerie, d’autres fois dans l’amertume.
Arte ne fut pas en reste, se gaussant de l’ancienne institution, lui consacrant au cours du magazine 28 minutes (dont la durée excède depuis belle lurette ce minutage théorique héritier de la formule originelle de l’émission du temps où Monsieur Cédric Villani s’y exprimait parfois) un reportage à l’ellipse historique révélatrice : elle arrêtait l’histoire du musée à … Vichy. Comme si plus rien ne s’était produit après, de 1945 à 2005 ! Arte révéla ainsi son mépris des ATP par une reductio ad petainum de facto.
Or, combien de fois devrais-je rappeler que, au cours des années 1970-1980, les ATP, intégrés dans l’ethnohistoire, annexés à l’Histoire des mentalités, à la nouvelle Histoire issue des Annales, étaient très éloignés des champs réactionnaires blubo et Völkisch dans lesquels se complaît un certain parti innommable.
Le maître ouvrage de Robert Muchembled, Culture populaire et culture des élites dans la France moderne (XVe-XVIIIe siècle) paru en 1978 était-il d’essence pétainiste ?
Telle séquence extraordinaire et inoubliable du film Molière d’Ariane Mnouchkine, sorti en salles la même année (je pense surtout au carnaval et à sa répression) est-elle fascisante ?
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De même, doit-on classer dans une catégorie infamante des ouvrages comme De la cave au grenier de Michel Vovelle, ou Le Miracle et le Quotidien : les ex-voto provençaux, images d’une société de Bernard Cousin, livre préfacé par le même Michel Vovelle ? Quid des travaux de recherche remarquables de Robert Mandrou, de Jean Delumeau ou de Régis Bertrand ? Quid de Pierre-Jakez Hélias (1914-1995)
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 dont Le Cheval d’orgueil parut en 1975 dans la prestigieuse collection Terre humaine de Jean Malaurie, aux côtés de Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss ou encore des Derniers Rois de Thulé du même Jean Malaurie avant d’être adapté au cinéma par Claude Chabrol ?
Qu’y-a-t-il donc de crypo-pétainiste dans tout cela ? Quel mauvais procès d’intention sous-jacent que voilà ! Cela fait bien longtemps que les arts, traditions, rites et mentalités populaires ne se réduisent plus à un folklore de pacotille, à une nostalgie mal placée pour un monde rural quasi éteint ! Cela, Jean Cuisenier l’avait parfaitement saisi.
Je concède certes qu’un Philippe Ariès (1914-1984) venait de la mouvance royaliste, de l’Action française, mais cet « historien du dimanche » sut réchapper à cet écueil et fit œuvre de pionnier dans l’Histoire des mentalités, au point d’être rattaché aux Annales… non sans difficultés toutefois.
La déliquescence des ATP résulterait autant du désintérêt des pouvoirs publics et des médias de masse que des querelles de chapelles (qui minèrent aussi le Musée de l’Homme) entre chercheurs au CNRS et ethnologues de l’ancienne école attachés davantage à recueillir les éléments d’une culture matérielle en voie d’extinction (de mutation, dirais-je), dans une France toujours plus urbanisée, comme le fit Georges Henri Rivière. Il y eut les fixistes du ruralisme qui s’opposèrent aux dynamiques intéressés par les transitions historiques, par la substitution d’une culture de masse, commerciale, mainstream, urbaine à la culture populaire traditionnelle, y compris ouvrière, telle que Madeleine Rébérioux savait nous la conter et expliquer. Tout ce que Theodor Adorno exécrait… Ainsi, les skateboards, les baladeurs, les coques de smartphones usagés et les maillots des clubs de foot plus ou moins élimés et défraîchis intéressent désormais davantage nos édiles et rédacteurs du nouveau discours ethno-historique que les armoires normandes, les binious ou les masques de carnaval.
Les ATP atteignirent leur apogée un bref temps, entre 1975 et 1980, année du patrimoine si je m’en souviens bien. Après, ce fut la dégringolade, la descente aux enfers démédiatisés de conserve avec la ré-annexion folkloriste fascisante. Le musée fut aussi victime du clivage entre anthropologues attachés à l'étude de la culture matérielle et spécialistes de la pensée symbolique, de l'étude des mentalités, du patrimoine défini comme immatériel.
Les Que-sais-je ? de Jean Cuisenier et Martine Segalen sont semble-t-il épuisés, car « dépassés » pour le XXIe siècle, non réimprimables... à tout jamais ?
L’ancien président de la République fut le seul à avoir visité les salles du « Temps des Loisirs » intégralement au MUCEM, au fort Saint-Jean lorsqu’il fut inauguré. Il y eut ensuite des infiltrations d’eau, une fermeture, une exclusion de collections reléguées dans les réserves, collections héritières du musée du Bois de Boulogne, qui reflétaient bien les travaux d’un Vovelle ou d’un Cousin, mais n’entrant pas dans le projet scientifique méditerranéen pur et dur. On ne sait plus qu’en faire, tout comme à Lyon des poupées de feu le Château de la poupée de Marcy L’Etoile fermé en 2007. On se croirait chez Kafka ou chez le père Ubu.



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Doit-on considérer ce qui s'est passé en 2013 au fort Saint-Jean du MUCEM comme de la gabegie ? Je ne crois pas à une simple gabegie : le mal est plus profond, et l'incident ne fait que traduire un malaise latent. Surtout lorsqu'on apprend qu'au final, les salles du Fort Saint-Jean seront rouverte pour accueillir tout autre chose que le Temps des Loisirs. Le foot et les tags y auront régné en maîtres en 2017-2018... L'on sait que tout cela sous-tend un mauvais procès d'intention, puisque les anciennes collections héritées des ATP n'entrent pas du tout dans le projet scientifique du MUCEM : elles sont donc condamnées à l'invisibilité ad vitam aeternam, au pourrissement graduel, à l'ensevelissement dans l'oubli au sein des réserves de la Belle de Mai, sauf exceptions ou miracle. On fait accroire que seuls les "mariniens bleus" regretteront ces objets voués aux gémonies car rappelant quelque folklore provincial ruraliste cul-terreux honni, pétaino-maurrassien et plus si affinités.
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Mais revenons à feu Jean Cuisenier, boudé à tort : son oeuvre scientifique fut considérable et estimable puisqu'il acheva de sortir les ATP du ghetto folkloriste stérile culminant justement sous Vichy, lorsque, notamment, il élargit le champ de recherches au bâti, à l'architecture rurale française, qu'il contribua avec toute une équipe de chercheur, à tirer de l'obscurité via un fameux Corpus qui fit autant date que les Lieux de Mémoire de Pierre Nora. Ce Corpus fut publié entre 1977 et 2001. Il fut élaboré à partir des relevés inexploités de l'enquête d'architecture rurale... entreprise sous Vichy. A une démarche scientifique teintée d'une idéologie pourrie succéda une démarche monumentale, irréprochable déontologiquement parlant. Vive le travail d'équipe, collectif !
Enfin, je n'oublie pas que Jean Cuisenier s'intéressait au mythe homérique : il pourrait de fait aisément être annexé au MUCEM grâce à son intérêt aigu pour la Méditerranée. Les deux expéditions qu'il dirigea en 1999-2000 lui permirent de réinterpréter l'Odyssée. En 2003 parut Le Périple d'Ulysse. L'Odyssée constitue la mémoire des routes maritimes de l'Antiquité méditerranéenne. Je vous invite à une petite visite sur le site des éditions Fayard afin de consulter l'excellente notice consacrée au Périple d'Ulysse.
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MUCEM, n'oublie jamais Jean Cuisenier !

Prochainement : l'espace-temps et l'univers dans les émissions enfantines de marionnettes de l'ORTF : La Maison de Toutou, Aglaé et Sidonie, Colargol et les autres. Pour moi, une forme de retour à l'origine du monde...

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vendredi 13 octobre 2017

"Une suite qui dérange : le temps de l'action" : un film indispensable saboté.

Là où passe le cheval du réchauffement climatique, de la canicule et de la sécheresse, l'herbe meurt et ne repousse plus. (Cyber Attila)

Les archives médiévales de l'Etat existeront encore alors que celles du XXIe siècle auront disparu depuis longtemps car, numérisées et dématérialisées, elles auront été victimes de l'obsolescence programmée et incessante des supports électroniques. (le Cyber Philosophe)


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Une suite qui dérange... à peine au-dessus de la barre des cent copies dans tout l'hexagone. A peine un peu plus de 15 000 entrées en première semaine d'exploitation. Un film enseveli immédiatement dans les abysses du box office français... Il n'en reste déjà presque nulle trace dans nos salles. Echaudées, les petites villes ne l'auront jamais à l'affiche. 
Un échec cinglant, injuste, parfaitement programmé, orchestré, huilé. Qu'a donc fait le distributeur - une grosse boîte dénommé Paramount - qui fit partie des cinq majors de l'âge d'or hollywoodien, des big five  pour que nous arrivions à un tel résultat honteux pour le pays qui accueillit la COP 21 voilà bientôt deux ans ? En sous-distribuant Une suite qui dérange, en une combinaison largement insuffisante de salles, privant d'innombrables spectateurs animés comme moi de la fibre écologique de l'accès au film, la Paramount a réussi de main de maître une opération digne de ses consoeurs Fox Searchlight et Metropolitan Film Export, compagnies spécialisées dans les crashes cinématographiques programmés comme le savent bien les lecteurs et lectrices de ce blog. Par exemple, le documentaire a été exclu du circuit art et essai de province, ce qui le privait d'une caisse de résonance certaine, comme voici quelques années Détective Dee II, bien que pour des raisons différentes. Mieux aurait valu en ce cas une sortie directe en VOD, DVD et blu-ray.
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Nous le savons tous : l'heure est grave. Les cyniques diront : le réchauffement climatique, cela fait économiser le chauffage, car les Français n'ont plus les moyens de se chauffer. De plus, on n'a plus à parler des SDF, à s'en préoccuper. Raisonnement biaisé, à courte vue !
D'autres constateront : encore un film à charge contre l'actuel locataire de la Maison-Blanche. Toujours le même disque, cela devient lassant.
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Al Gore, que l'on ne présente plus, s'est autant investi dans cette suite que dans le premier documentaire de 2006 : Une Vérité qui dérange. Avec le GIEC, il a reçu le prix Nobel de la paix en 2007.
D'aucuns ont pu juger qu'Une Suite qui dérange était un film inutile, superfétatoire, cultivant redites et redondances par rapport au premier documentaire, qui avait déjà tout exposé, d'où l'indifférence de l'accueil public qui a boudé - à tort - cette oeuvre. On a pensé les gens saturés, sur-informés du problème du réchauffement climatique, omniprésent dans les médias de grande vulgarisation.
D'autres ont considéré Al Gore et le GIEC tels des Cassandre, des pères fouettards, des prophètes de malheur - profil souvent rencontré chez les climatosceptiques que je qualifierais personnellement de négationnistes, dans la foulée de l'actuel détenteur du pouvoir suprême aux States. Le discours d'Al Gore, personnage pour eux rancunier de sa défaite en 2000, serait à charge, culpabilisant et stérile, un peu comme chez le Club de Rome du début des années 1970 qui avait mis en avant le concept de croissance zéro, club de Rome qui guida le discours d'avertissement d'Albert Barillé dans tous ses dessins animés, cela dès la fin d'Il était une fois l'Homme en 1978-79.
D'autres enfin pensent que le GIEC et Al Gore pècheraient par excès d'optimisme, mieux, cacheraient les vrais chiffres, minimiseraient la catastrophe à venir plus proche que les projections des experts nous le laissent accroire. Ces catastrophistes ultras pensent qu'il est trop tard et qu'on ne peut déjà plus rien faire : ce sont des fatalistes, des résignés.
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Or, Al Gore a voulu nous démontrer que la lutte continuait, que l'amorce de résultats ne préjuge pas de l'avenir. Il devient une sorte de pèlerin de la cause, prêchant la bonne parole au monde entier, surtout dans le contexte actuel, depuis qu'un sinistre bouffon imprévisible occupe le Bureau Ovale. C'est pourquoi un dernier groupe de détracteur accuse le film d'être un produit marketing de propagande pro-Gore, une sorte de panégyrique du bon docteur Al, mieux, une hagiographie à son service. Les solutions prônées ne remettent pas en cause le système capitaliste qui les agrée et les adoube, sûr ainsi de se sauver lui-même, de perdurer indéfiniment en appliquant les recettes rassurantes pour lui du doc Al.
Al Gore était présent, à Paris, à la COP 21, au moment des attentats horribles que l'on sait. L'homme est sincère.
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De toute façon, le sabotage d'Une Suite qui dérange est incontestable en un temps où chaque millésime bat les records de réchauffement de son prédécesseur, en un temps où l'on apprend qu'en Allemagne, 80 % des insectes auraient disparu, en un temps où les oiseaux eux-mêmes, prédateurs naturels de ces insectes, déclinent parce qu'ils ont faim et qu'il y a de moins en moins de pollinisateurs des végétaux. Toute la chaîne alimentaire est frappée. Rappelez-vous le prélude de Blade Runner 2049 :  on y apprend l'effondrement de la biosphère... au commencement des années 2020. En 2049, nul n'a plus vu de fleurs et d'arbres réels vivants...
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Ceci rappelle le scénario de la plus grande des extinctions de masse, celle du Permo-Trias, où 90 % des espèces au moins disparurent. Les scientifiques se disputent sur les différentes hypothèses expliquant cette extinction.
Afin d'éviter ou, à tout le moins, de freiner la prochaine extinction, prenons la peine d'écouter Al Gore et d'aller voir ses films.

Prochainement : l'a-nécrologie de Jean Cuisenier : les ATP et la reductio ad petainum.

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dimanche 1 octobre 2017

Ces écrivains dont la France ne veut plus 20 : Delphine de Girardin.

Chaque année, en un jour inconnu, nous marchons sur la date anniversaire de notre mort, comme sur un gazon tout pareil aux autres et qu'aucune inscription funéraire ne signale. (Jean Guitton : Profils parallèles : Teilhard et Bergson 7 : Ultima verba p. 455. Paris, Fayard 1970)

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Comment, monsieur ! souligneront mes détracteurs (si toutefois ceux-ci se manifestent et commentent mon article). Vous vous abaissez à consacrer un texte à un vulgaire bas-bleu, une illustre inconnue justement oubliée, bien qu'elle soit contemporaine de George Sand ! 
Delphine de Girardin, née Gay, naquit de facto la même année que la bonne dame de Nohan, le 24 janvier 1804, à Aix-la-Chapelle. Je ne puis cependant la réduire à une simple salonarde mineure ayant eu pignon sur rue de la Restauration au Second Empire, puisqu'elle mourut à Paris le 29 juin 1855, à seulement cinquante-et-un ans.
Il faut le reconnaître, et je bats ma coulpe : j'ai jusqu'à présent consacré fort peu d'articles aux auteures maltraitées par la postérité littéraire hexagonale dans nos médias médiocres, et Delphine de Girardin n'est que la troisième avec Anna de Noailles et Madame de Staël à avoir l'honneur de figurer dans ma série consacrée aux écrivains dont la France ne veut plus, série à laquelle je me consacre depuis bientôt trois ans. Je promets de rattraper ce retard avec des noms comme Germaine Acremant, Gyp, Madame Simone, Marie Noël et d'autres, bien que ma prochaine priorité sera d'aborder des auteurs de genre feuilletonnesque (Ponson du Terrail), de SF (Jimmy Guieu) ou policier (Pierre Nord) voire francophones (Jacques Rabemananjara). Je promets de laisser davantage de place aux écrivaines. Mon objectif n'est pas de commettre une resucée des défuntes Bonnes Adresses du Passé de l'ORTF (qui sont selon moi "culte")
La postérité culturelle s'est détournée de Delphine de Girardin, bien qu'elle appartînt au cénacle romantique. 
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Son prénom était déjà tout un programme, lourd de promesses. La mère de notre Delphine, Madame Marie Françoise Sophie Gay née Nichault de La Valette (1776-1852), elle-même salonnière et romancière, la baptisa ainsi en hommage au roman épistolaire de Madame de Staël.
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Sainte-Beuve admirait son roman Léonie de Montbreuse, bien oublié aujourd'hui.
Quels astres gravitaient donc autour de la mère et de la fille, introduite dès l'âge de seize ans dans la galaxie des gens de lettres, via le salon d'Emile Deschamps (1791-1871), un des premiers romantiques ? Citons, pêle-mêle en ce cercle Vigny, Nodier, de Latouche et Saint-Valry. Il était donc inévitable que la plume l'attirât : ce fut chose faite lorsque notre Delphine Gay participa à la fameuse Muse française,  mensuel poétique certes éphémère (moins d'un an entre juillet 1823 et juin 1824) mais qui fut l'organe de lancement de la poésie romantique avec Hugo, Vigny, Nodier, Marceline Desbordes-Valmore etc. bien que ce périodique eût été fondé par des auteurs dont l'esthétique était à cheval entre classicisme et romantisme : Alexandre Soumet et Alexandre Guiraud. Ainsi, en ce terreau de papier, notre Delphine Gay fit paraître ses premiers poèmes. Dans la foulée, elle publia deux recueils de mélanges poétiques : Essais poétiques et Nouveaux Essais poétiques.
Reconnue jusqu'en Italie, à Rome même, elle connut une espèce de triomphe lorsqu'on la couronna au Capitole en 1827.
Son mari fut longtemps plus connu qu'elle, bien que le nom qu'il nous légua à la postérité fût un pseudonyme : Emile de Girardin
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 s'appelait en fait de La Mothe (1806-1881). Sa mémoire survit actuellement pour la postérité (celle des gens cultivés seulement) davantage en tant que journaliste, fondateur de La Presse et pionnier de la publication de la publicité (dite autrefois réclame) et du roman-feuilleton qu'en tant qu'homme politique ou écrivain. De lui, on a aussi retenu son duel au pistolet contre le républicain Armand Carrel  (qui y mourut)
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 le 21 juillet 1836 au bord du lac de Saint-Mandé. Balzac fut le meilleur atout littéraire de la presse : nombre de ses romans y parurent en feuilletons, dont La vieille Fille,  La Maison Nucingen et Le Curé de Village. Dumas en fut aussi. Girardin était un hybride politique, à la fois conservateur et progressiste, un libéral avant tout attaché à la liberté de la presse, en ces temps de censure et de contrôle.
Delphine Gay l'épousa le 1er juin 1831, ce qui élargit encore son assise littéraire et son horizon.
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Dans les années 1830, redoublant de créativité, notre écrivaine se jeta à corps perdu dans l’écriture de romans. Ceux-ci peuvent nous paraître, lecteurs contemporains, démodés, convenus, conventionnels. Aucun titre ne s’est imposé dans l’histoire de la littérature telle qu’on l’enseigne. Delphine de Girardin demeure au XXIe siècle une romancière méconnue tout comme Anna de Noailles à laquelle l’édition de poche commence à rendre justice.
Citons tout particulièrement La Canne de Monsieur de Balzac. Rappelons-nous : nous ne lisons pas tout de Balzac, seulement des titres choisis, presque toujours les mêmes. L’abondance de La Comédie humaine freine notre ardeur, tout comme sa variété. Elle nous rebute, car nous sommes des humains pressés dominés par l’image omniprésente et depuis peu par l’écran nomade. Sous Balzac et Delphine de Girardin, l’image figurait dans les mots. Puissance évocatrice du vocable, lu à voix haute ou basse, ou par la pensée et l’œil, recréé, visualisé. Lu dans le feuilleton quotidien, au cabinet de lecture, dans la rue, au café ou chez soi, au quant à soi. Lu codex en mains, pages tournées à la faible lumière des chandelles, des lampes Pigeon, bientôt à pétrole, à arc ou à gaz, ouvrage maroquiné de divers cuirs, de diverses couleurs.
La Canne de Monsieur de Balzac parut en 1836, roman de bonne réputation qui connut des rééditions posthumes y compris sur la toile, précédé et suivi d'autres oeuvres dont nous, lecteurs ingrats, ne retînmes pas le nom.
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 Delphine de Girardin aspira à tous les genres : elle se voulut aussi dramaturge. Elle tint salon, bien sûr, devenant une égérie appréciée des romantiques, en continuation de sa mère. Comme de coutume dans ce monde occidental du XIXe siècle régi par le patriarcat et pour la France, par le code Napoléon, elle usa de plusieurs pseudonymes masculins dans ses publications.
Comme tant d'esprits contemporains (Hugo, Balzac, Nodier, Gautier ou Mérimée) ou postérieurs (William Crookes, Conan Doyle, Bergson ou Gabriel Marcel
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 - songez à cet étonnant passage des Archives du XXe siècle disponibles à l'INA où, parvenu au soir de sa vie (1970), notre philosophe existentialiste chrétien confesse s'être prêté au jeu de Ouija qui a défrayé la chronique du cinéma fantastique américain récent) elle s'intéressa à l'insolite, au singulier et au surnaturel. Ainsi apparaît Delphine de Girardin spirite.  



Au sujet du spiritisme et de notre écrivaine, je vous invite à lire, en accès libre sur Internet, l’article que Madame Esther Pinon, de l’Université de Bretagne-Sud-HCTI a consacré à la question :

Le monde et l’outre-monde : Delphine de Girardin spirite.
Citons-en quelques extraits pour nous faire une idée.

 Après avoir été Delphine Gay, la dixième muse, Mme Émile de Girardin, le vicomte de Launay, Delphine de Girardin a connu une dernière incarnation, se métamorphosant en une personnalité spirite. Cet ultime avatar ne se manifeste que dans une saison tardive de son existence, puisque la vogue du spiritisme s’est répandue en France vers 1853, deux ans seulement avant la mort de la muse. Aussi a-t-elle elle-même très peu écrit sur le sujet. Seules nous sont parvenues quelques lignes dans lesquelles elle propose sa définition du malheur, et dont la conclusion fait l’éloge de la foi spirite :
« Pour juger une chose, il faut donc en voir la suite : c’est ainsi que pour apprécier ce qui est réellement heureux ou malheureux pour l’homme, il faut se transporter au-delà de cette vie, parce que c’est là que les conséquences s’en font sentir ; or, tout ce qu’il appelle malheur selon sa courte vue, cesse avec la vie, et trouve sa compensation dans la vie future.
Je vais vous révéler le malheur sous une nouvelle forme, sous la forme belle et fleurie que vous accueillez et désirez par toutes les forces de vos âmes trompées. Le malheur, c’est la joie, c’est le plaisir, c’est le bruit, c’est la vaine agitation, c’est la folle satisfaction de la vanité qui font taire la conscience, qui compriment l’action de la pensée, qui étourdissent l’homme sur son avenir ; le malheur, c’est l’opium de l’oubli que vous appelez de tous vos voeux. (…)
Que le spiritisme vous éclaire donc et replace dans leur vrai jour la vérité et l’erreur, si étrangement défigurées par votre aveuglement ! Alors vous agirez comme de braves soldats qui, loin de fuir le danger, préfèrent les luttes des combats hasardeux, à la paix qui ne peut leur donner ni gloire ni avancement. Qu’importe au soldat de perdre dans la bagarre ses armes, ses bagages et ses vêtements, pourvu qu’il en sorte vainqueur et avec la gloire ! Qu’importe à celui qui a foi en l’avenir de laisser sur le champ de bataille de la vie sa fortune et son manteau de chair, pourvu que son âme entre radieuse dans le céleste royaume ? »
Le vicomte de Launay fut un des noms de plumes masculins adoptés par notre écrivaine. Le cocasse dans l’affaire fut que divers personnages ou médiums, adeptes du spiritisme dans la foulée d’une vogue initiée par Allan Kardec,
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 crurent dur comme fer être entrées en contact avec l’esprit même de la poétesse, qui, en une singulière poursuite post-mortem de ses activités de plume, devint une héroïne romanesque fantôme en l’an 1889, lorsque l’Américain Henri Lacroix composa son étonnant récit Mes expériences avec les esprits.
Etrange survivance, inattendue, de Delphine de Girardin, que je ne puis cautionner, étant rationaliste, bien qu’aimant à écrire par-dessus tout dans les genres science-fiction et fantastique.
Jean-Pierre Ohl, dans Monsieur Dick ou le dixième livre, ahurissante et fascinante quête (vaine) du dénouement du Mystère d’Edwin Drood, demeuré inachevé à la mort de Charles Dickens le 9 juin 1870, bâtit la fable d’un Dickens fantôme ayant dicté la fin de son livre à un personnage de pure invention.
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L’origine du spiritisme, rappelle Esther Pinon, ce sont les filles Fox, à Hydesville, près de New-York, en 1848. Elles ont récemment donné lieu à un roman d’Hubert Haddad : Théorie de la vilaine petite fille (éditions Zulma 2014). Nos trois sœurs s’avérèrent d’habiles simulatrices. Leur supercherie éventée par leurs aveux n’empêcha pas le paranormal de perdurer au XXe siècle. Réduites à deux, nos filles pseudo-médiums ont encore inspiré un film transposé dans les années 1930 : Planétarium (2016) de Rebecca Zlotowski. 
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A partir de cette tromperie, la vogue des tables tournantes se répandit en Occident, et Delphine de Girardin vint initier Victor Hugo à cet « art » lorsqu’elle lui rendit visite en son exil de Jersey en septembre 1853. Souffrant alors du cancer qui devait l’emporter deux ans plus tard, Delphine de Girardin s’adonna à ce qu’on appelait une « science nouvelle » avec un enthousiasme certain, bien que des contemporains eussent à juste raison critiqué son attitude, demeurant sceptiques et raisonnables, comme Arsène Houssaye, qui la raille tout en la respectant. 
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Esther Pinon conclut son article :
En faisant parler les tables, Delphine de Girardin semble ainsi ressusciter le temps de sa jeunesse, celui de l’enthousiasme. L’expérience spirite contribue à renouveler la spiritualité romantique en réactivant la question du Salut et de la Rédemption, puisqu’elle est intimement liée, chez Hugo notamment, à une méditation sur le devenir des âmes, sur le châtiment et le pardon, et tente ainsi de résoudre l’insoluble énigme du mal, lancinante depuis les lendemains de la Révolution. La Spirite de Gautier dialogue ainsi avec la Séraphîta de Balzac, l’ange Liberté de Hugo dans La Fin de Satan renoue avec l’Éloa de Vigny – et aussi avec le Satan de Delphine Gay ; quant à la Bouche d’ombre des Contemplations, très largement nourrie des séances des tables, elle répond aux doutes et aux angoisses de toute une génération. Et dans cette transition ou transmission des inspirations, via le spiritisme, Delphine de Girardin a joué un rôle-clef.
En ce sens, que l’on croie ou non à la communication entre les vivants et les morts, on peut dire d’elle qu’elle fut vraiment médium, au sens étymologique du terme : parce que son esprit se trouve au confluent de deux mondes voisins – celui des salons et celui des lettres – et, parce que dans ces deux mondes elle occupe une place centrale en son siècle, parce qu’elle est particulièrement sensible à ce fluide instable qu’est l’air du temps, elle permet la matérialisation en littérature de ce qui était d’abord un phénomène social : elle contribue à donner corps à un nouvel avatar de la spiritualité romantique.
Pour finir mon texte, je ne puis m’empêcher de revenir brièvement à La Canne de Monsieur de Balzac.
Ce roman conventionnel du XIXe siècle, aux recettes éprouvées, ne préjuge aucunement d’une prémonition littéraire : il n’annonce pas les non-fiction novels de Truman Capote, ni les autofictions contemporaines, bien que l’emploi parmi les personnages du livre d’une personnalité réelle ait pu surprendre, intriguer autant que captiver les lecteurs. Contentons-nous d’en citer la préface :  
Il y avait dans ce roman...
– Mais ce n’est pas un roman.
– Dans cet ouvrage...
– Mais ce n’est pas un ouvrage.
– Dans ce livre...
– C’est encore moins un livre.
– Dans ces pages enfin... il y avait un chapitre assez piquant intitulé :
LE CONSEIL DES MINISTRES
On a dit à l’auteur :
– Prenez garde, on fera des applications, on reconnaîtra des personnages ; ne publiez pas ce chapitre.
Et l’Auteur docile a retranché le chapitre.
Il y en avait un autre intitulé :
UN RÊVE D’AMOUR
C’était une scène d’amour assez tendre, comme doit l’être une scène de passion dans un roman.
On a dit à l’auteur :
– Il n’est pas convenable pour vous de publier un livre où la passion joue un si grand rôle ; ce chapitre n’est pas nécessaire, supprimez-le.
Et l’Auteur timide a retranché ce second chapitre.
Il y avait encore dans ces pages deux pièces de vers.
L’une était une satire.
L’autre une élégie.
On a trouvé la satire trop mordante.
On a trouvé l’élégie trop triste, trop intime.
L’Auteur les a sacrifiées... mais il est resté avec cette conviction : qu’une femme qui vit dans le monde ne doit pas écrire, puisqu’on ne lui permet de publier un livre qu’autant qu’il est parfaitement insignifiant.
Heureusement celui-ci contient une lettre de M. de Chateaubriand, – un billet de Béranger, – des vers de Lamartine ; – il a pour patron M. de Balzac : tout cela peut bien lui servir de pièces justificatives.
1836
L’audace du propos littéraire se résume selon moi à cette préface. Nulle préfiguration des délires fictionnels postérieurs, même ceux du cinéma du milieu du XXe siècle comme le scénario en cours d’élaboration de La Fête à Henriette (1952) de Julien Duvivier ou la déconstruction des codes du polar dans La Dame d’onze heures (1947) de Jean Devaivre, deux des films français les plus fous de l’après seconde guerre mondiale.
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Delphine de Girardin mourut à Paris d’un cancer, le 29 juin 1855. Elle n’avait que 51 ans. Plusieurs de ses œuvres parurent à titre posthume. Le veuf, Emile de Girardin, ne demeura pas seul : il se remaria avec une femme bien plus jeune que lui.

Prochainement : « Une suite qui dérange » : un film indispensable saboté.

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