samedi 10 septembre 2016

Da Vinci's demons et The Musketeers : deux séries géniales sabordées.

Nul n'est censé ignorer les récentes mises à mort de deux des plus originales séries costumées anglo-saxonnes récentes : Da Vinci's demons et The Musketeers. 
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Leur suppression arbitraire et scandaleuse s'ajoute à la litanie, au martyrologe, des fictions télé costumées sacrifiée sur l'autel du présentisme immédiat. Désormais, outre-Manche et aussi outre-Atlantique (puisque Da Vinci's demons bénéficiait d'une diffusion conjointe au Royaume-Uni et aux Etats-Unis), producteurs et programmateurs, directions des chaînes publiques et privées se mettent à calquer leur attitude sur la sinistre France Télévisions qui a littéralement éradiqué en peu d'années l'ensemble des productions historiques. D'ailleurs, c'est à se demander si le pullulement annoncé de films français aux cadres non contemporains (sur Cézanne et Zola, sur Louis XIV agonisant etc., sans oublier deux films avec Mademoiselle Lily Rose Depp : La Danseuse et Planétarium, une nouvelle adaptation du roman de Maupassant Une vie et Frantz de François Ozon, déjà sorti) ne résulte pas en amont d'une série de refus émis par Madame Delphine Ernotte ou son prédécesseur, personnes, qui, on le sait, ont considérablement appauvri et affadi l'offre fictionnelle hexagonale au profit de déclinaisons infinies du polar, objet unique ou presque. Le cinéma devient un sauveteur, le bon samaritain du drame costumé, et pallie les manques d'une télé en pleine déliquescence.  Et la critique de Télérama poursuit son acharnement à l'encontre des ultimes survivants ou "fossiles dinosauriens" qui, çà et là, pointent quelquefois leur "nez" sur Arte : ainsi en a-t-il été du téléfilm suisse Le Temps d'Anna avec Gaëlle Bona, qui fut la révélation et l'égérie, après Julie Delarme, des téléfilms costumés à la française, sorte de nouvelle Brigitte Fossey du XXIe siècle (le physique et la plastique de cette actrice charmante me faisant irrésistiblement songer à Brigitte Fossey).
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Lors de la diffusion française des deux premières saisons de Da Vinci's demons sur France 4, la critique ne se priva ni de la volée de bois vert, ni des sarcasmes dignes d'esprits fermés et étroits, arc-boutés à la doxa du tout contemporain cartésien et... chiant.
Da Vinci's demons est d'essence états-uniennes, puisque produite et diffusée par la chaîne payante Starz bien que son interprète principal, Tom Riley, soit anglais : ce dernier a d'ailleurs interprété Robin des Bois dans un épisode marquant de la saison 8 de Doctor Who, avec Peter Capaldi : Robot des Bois.
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La relecture échevelée de l'Histoire que nous offre cette série, son parfum steampunk anticipé, son souffle aventureux et parfois picaresque constituent autant d'ingrédients qui m'ont immédiatement séduit et enchanté lors de la diffusion française des deux premières saisons.  Hélas, Starz a annulé la série après la saison 3, qui, bien que sa diffusion ait été achevée aux Etats-Unis depuis le 26 décembre 2015,  souffre de l'absence prolongée inconsidérément d'une programmation française de ces épisodes ultimes (finiraient-ils en queue de poisson ?). Aucune diffusion n'a encore été décidée par France Télévisions, qui, comme on le sait, n'est dorénavant portée que sur le sociétal contemporain en plus du policier omnipotent et dominateur. Bref, France 4 achève de sombrer, puisque ce sabotage mâtiné d'indécision et d'incertitude diffusionnelle, s'additionne à celui de la dernière saison de Doctor Who, qui fut privée à 95 % de première partie de soirée.
Le jeu de massacre s'est poursuivi avec les sublimes Musketeers, non reconduits (devrais-je écrire éconduits ?) par la BBC. La programmation de la  saison 3 n'a toujours pas été prévue en Grande-Bretagne et TMC semble avoir abandonné les droits de diffusion à NRJ 12 faute d'audience (tel est le résultat du modelage des esprits formatés pour ne plus regarder que le "contemporain"). Comprenne qui pourra...
Dans la première saison, Peter Capaldi interprétait le cardinal de Richelieu,
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 mais son engagement dans Doctor Who engendra un problème scénaristique, bien qu'il fût promptement résolu, ce qui ne nuisit pas à la qualité des scénarios, bien au contraire. La conséquence en fut une nouvelle liberté prise avec l'Histoire, telle qu'aimait à en user Alexandre Dumas : une mort anticipée de Richelieu dont nous assistons aux funérailles au commencement de la deuxième saison. D'ailleurs, The Musketeers multiplie les licences historiques, mais aussi le non-respect de l'oeuvre de Dumas lui-même ! Du côté de Da Vinci's demons, n'y-a-t-il pas un remplacement du pape Sixte IV par son frère jumeau comploteur ?

La distribution de The Musketeers 
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 apparaît en tout point remarquable ; les rôles sont astucieusement répartis entre quatre comédiens aux origines diverses : Luke Pasqualino en D'Artagnan, Tom Burke en Athos, Santiago Cabrera en Aramis et Howard Charles en Porthos  Tous les autres rôles, féminins comme masculins, sont à l'avenant. Ma seule réserve au sujet des comédiens de The Musketeers concerne Ryan Gage, qui interprète un Louis XIII curieusement glabre, véritable tyran caractériel au petit pied insupportable. Le coup de génie a été à mon sens de confier les personnages d'Aramis et de Porthos à un anglo-chilien et un afro-britannique. Howard Charles, remarquable Porthos, n'eût pas déplu à Dumas lui-même : un Porthos noir, en quête de ses origines, de son père... comme un écho de Dumas lui-même, fils de Thomas Alexandre Davy de La Pailleterie, dit le général Dumas (1762-1806), métis né à Saint-Domingue, premier général afro-antillais de l'Histoire, qui nous prouve que la Révolution française, qui abolit une première fois l'esclavage sous la Convention montagnarde, fut une époque - hélas trop courte - de régression, de recul du racisme. Le général Dumas connut un autre homme de couleur génial, le chevalier de Saint-Georges, redécouvert ces trente dernières années, à l'occasion de ses cours d'escrime (il fut un as au sabre). Sa fortune fut courte : la disgrâce de Bonaparte, parvenu au pouvoir puis la mort prématurée.  L'historien américain Tom Reiss,
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 prix Pulitzer, a consacré en 2013 une biographie à ce général valeureux et haut en couleur : Dumas, le comte noir.
Vive le romanesque historique enjoué !


Mon prochain article dépendra de la publication ou pas par Le Monde de la version papier de la nécrologie du mathématicien français Jean-Christophe Yoccoz, médaille Fields 1994. Je reprendrai aussi sous peu ma série consacrée aux écrivains dont la France ne veut plus, avec un quatorzième texte sur Frédéric Mistral.
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