samedi 23 mai 2015

Ces écrivains dont la France ne veut plus 6 : Pierre Corneille.

Rome, l'unique objet de mon ressentiment ! (Corneille : Horace, acte IV scène 5)

Je ne dois qu'à moi seul toute ma renommée. (Corneille : Excuse à Ariste)

Ni le völkisch, ni  le globish. (Principes et éthique de Moa)

Le marché n'a besoin ni de savants, ni de sachants. (aphorisme de Cyber Jeremy Bentham)


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La non affaire Corneille, voilà neuf années de cela, constitua un prélude significatif aux événements vécus récemment en France : prodromme, symbole, par les lâchetés et capitulations culturelles démultipliées, avec constance depuis, des tragédies contemporaines de l'année 2015.

C'était un symptôme aggravant du désintérêt culturel, qui, jusque-là (du moins si nous nous plaçons encore dans la dernière décennie du XXe siècle), n'avait eu que peu de conséquences, s'était limité à des broutilles. Il est loin le temps où, fort discrètement, peu de spécialistes avaient déploré - et ce, d'une manière feutrée - la négligence coupable qui avait entouré les non commémorations du centenaire de la disparition du compositeur César Franck ! Certes, César Franck paraît de peu d'importance, mais il fut en quelque sorte la première brèche ouverte, qui alla s'élargissant davantage : peu, après lui, serait fait pour Voltaire en 1994, pour Anton Bruckner en 1996, pour Johannès Brahms et Franz Schubert  en 1997, pour Racine en 1999, Zola en 2002 ou Pissarro en 2003 ! Ce, jusqu'à l'apothéose archi silencieuse, summum si l'on peut dire, qu'incarna le tricentenaire de la naissance de Denis Diderot, réduit comme on le sait à de simples manifestations locales en sa cité natale de Langres le 5 octobre 2013. Ignorer Diderot, c'était faire fi des Lumières, de l'Encyclopédie, de la laïcité, avec l'issue que l'on devine le 7 janvier 2015...
D'ailleurs, tout comme pour Diderot sept années plus tard, on restreignit Corneille à des célébrations strictement localisées à Rouen, à peines tolérées celles-là.
Corneille, dont on juge l'héroïsme littéraire dépassé, incarne-t-il un reniement terminal, une goutte d'eau faisant déborder le vase, une forme insidieuse de censure refusant de s'appeler comme telle ? Un site un peu douteux, appelé "L'Affaire Corneille-Molière", reprit un texte coup de gueule de feu l'académicien Jean-François Deniau (1928-2007) : Corneille objet de ressentiment.

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Ce texte polémique fut laissé de côté jusqu'au décès de son auteur. L'Express avait refusé de le publier puis, se ravisant bien tard, l'hebdo se repentit après que l'illustre académicien navigateur se fut éteint. Il est révélateur d'un état de délabrement intellectuel optimal et d'autocensure chez ceux qui, tels les Romains de l'Antiquité tardive (car il est désormais incorrect de dire bas Empire...) affichant une attitude constante de reculade, de conciliation, de compromission avec les ennemis de tout poil (ne signèrent-ils pas des contrats, traités ou "foedus" avec les Barbares ? ) conduisant tout droit au vilain mot de "collaboration", sont prêts à pactiser un jour avec l'ultralibéralisme, le lendemain avec les nouvelles chemises brunes et le surlendemain encore avec les intégristes religieux enturbannés et ceinturés de bombes et d'AK 47. Leur complaisance n'a pas de limites ! Ces gens-là, girouettes circonstantielles aux vestes réversibles à l'infini, opportunistes en diable, sont diantrement dépourvus de la moindre conviction politique, culturelle etc.  Seuls les blogs et sites proches de l'extrême droite parlèrent de Corneille : sa "niche écologique", abandonnée par les démocrates, avait été récupérée par les fascistes et souverainistes. Il était vrai que Le Cid venait officiellement d'être catalogué oeuvre théâtrale d'extrême droite, concept farfelu, anachronique, à réifier d'urgence, parce qu'impensable à conceptualiser... en 1636- 1637 ! Mais cette pièce hybride (n'est-elle pas qualifiée de tragi-comédie ?) n'est pas soluble dans les mauvaises interprétations contemporaines. On ne peut aussi en faire une chose, un objet, à partir de sa subjectivité supposée, tel que le sous-entend le mot de réification. Ce serait alors une transsubstantiation hérétique !  De même, pourquoi ne plus employer le qualificatif de barbarie que dans le cas nazi, au point d'en faire une tautologie, interdisant de facto son usage dans tous les autres cas de figure historiques ? Sait-on que la barbarie est plus civilisée que la sauvagerie ? Mais voilà, impossible de dire "sauvagerie nazie" parce que le mot sauvage est devenu trop connoté et raciste !
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Pour en revenir à l'affaire Corneille, le mal français était déjà présent en 2006  : 
- procès intenté contre le dramaturge pour esclavagisme (un lointain parent - lequel ? Précisez, SVP !) avait participé à la hélas prospère traite négrière rouennaise (en ce cas, pourquoi si mal enseigner les Lumières qui prirent conscience que l'esclavage constituait un crime contre l'humanité ? Quid de Montesquieu, de Voltaire, de l'abbé Raynal, de la première abolition par cette convention montagnarde que l'on hait et vilipende ?) ;
- procès pour islamophobie à cause du Cid campeador tout comme Voltaire avec Mahomet...
Que demeura-t-il de Pierre Corneille à la télévision en 2006 ? :
- un dessin animé (fort bien fait au demeurant) diffusé à la sauvette un après-midi sur Arte. Il mettait en scène des insectes qui déclamaient les vers illustres dudit Cid ! ; 
- la diffusion par TMC de la remarquable version flamenco de la tragédie ;
- la présentation sur D 8 de la biographie de Corneille par son auteur, M. Alain Niderst.
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Et ce fut tout en 2006, bien que plusieurs années après, notre lucarne décatie et poussiéreuse eût rattrapé partiellement le coup via un téléfilm controversé de France 2 (programmé tardivement) transposant l'univers cornélien dans le monde contemporain et surtout L'Ombre d'un doute sur France 3 début 2013, où, comme pour Shakespeare parfois à tort accusé de n'être pas l'auteur de ses pièces, la vieille thèse de Pierre Louÿs était remise à l'honneur : Corneille fut donc assigné au rôle de ghost writer (puisque l'on ne peut plus dire ou écrire "nègre") de Jean-Baptiste Poquelin.
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A bon entendeur, salut !

vendredi 15 mai 2015

Mia Wasikowska : une illustre inconnue pour le spectateur français basique.

Certains milieux intellectuels étoient si pétris de haine et de mépris à l'encontre des films non ancrés dans la réalité contemporaine qu'ils préféroient se taire à leur sujet. (Mémoires du Nouveau Cyber Saint-Simon).

L'esprit Charlie étoit tellement mort que nul ne parloit du livre posthume de Bernard Maris. "Oncle Bernard", ainsy qu'on le nommoit, dérangeoit beaucoup de personnes quelle que fût leur étiquette politique puisque toutes avoient à se reprocher leur allégeance aux doctrines détestables du sieur Hayek. Il étoit vray que, malgré que Bernard Maris eust souhaité que son beau-père Maurice Genevoix entrât au Panthéon, les pouvoirs publics n'en avoient pas tenu compte, arguant que le sieur Genevoix avoit prôné la fraternisation entre les officiers et la troupe. Nos officiels révéroient unyquement les mutins de Mil neuf cent dix et sept, pensant qu'ils constituoient les seuls Poilus qui méritassent qu'on en honorât la mémoire. (Mémoires du Nouveau Cyber Saint-Simon).

Mia Wasikowska est née australienne le 14 octobre 1989 à Canberra. Elle est actrice depuis l'an 2004 et Alice au pays des merveilles de Tim Burton l'a rendue célèbre, du moins en théorie.

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Sa filmographie a tout pour me convaincre : Gus Van Sant, Cary Fukunaga, Rodrigo Garcia, Park Chan-wook, Jim Jarmusch et David Cronenberg ont su utiliser à bon escient son jeune talent. Cependant, on ne peut pas dire que sa filmographie bénéficie chez nous d'une grande exposition, d'un affichage privilégié, bien au contraire. Ainsi, j'habite une bourgade où aucun des films de Mia Wasikowska n'est sorti normalement depuis Alice au pays des merveilles ! Deux (Jane Eyre et The Double) n'ont été projetés que grâce à l'association cinéphile locale ! 
Cela signifie que les habitants de ma (petite) ville ignorent à peu près tout de cette charmante comédienne aux registres variés quoique certains auraient tendance à la cantonner dans les rôles intemporels ou costumés. Et je pense qu'il en va de même dans maintes communes appartenant au désert cinématographique français.
Ce sont les distributeurs, une fois de plus, qu'il me faut montrer du doigt : Mia Wasikowska, au contraire désormais d'une Jessica Chastain (dont je raffole aussi) même s'il leur arrive de partager l'affiche (ce sera le cas en octobre prochain dans le fort attendu Crimson Peak, gothique et rétro victorien à souhait), ne parvient pas chez nous à une exposition suffisante de ses films rarement considérés comme des blockbusters rentables et trop souvent confinés dans une confidentialité regrettable. 
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Vue la situation présente de sabotage généralisé des films fantastiques (la dernière victime cette semaine s'intitule Goodnight mommy réduit à une combinaison dérisoire de six copies dont une seule dans Paris intra muros), je crains que le dernier long métrage de Guillermo del Toro, malgré ses images superbes et la beauté de ses comédiennes soit presque impossible à voir...
Je rappelle que la dernière version filmique de Madame Bovary, due à Sophie Barthes, n'a toujours pas trouvé preneur en France, et que Mia Wasikowska y interprète le rôle titre.
Pour l'heure, notre actrice jouit d'un manque de notoriété hexagonale certain et les oeuvres dans lesquelles elle apparaît se cantonnent à moins de deux cents voire de cent copies !
Il ne faut conséquemment point s'étonner ni s'offusquer du score ridicule de la grande majorité des longs métrages de cette actrice talentueuse : 22 387 entrées à peine pour The Double,
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 sorti en catimini en plein mois d'août 2014, environ 73 000 pour Albert Nobbs exploité en février 2012 en pleine vogue dévastatrice d'Intouchables. Maps to the stars de David Cronenberg, avec ses 253 087 tickets fait à côté figure de relatif succès, bien que la micro commune dans laquelle je réside n'a jamais eu ce film à l'affiche ! Les piètres 125 218 entrées de Stoker semblent davantage s'expliquer par la présence de Nicole Kidmann en tête de distribution.  (sources : Allociné, Cinefeed.com et JP'box office). Dois-je aussi rappeler l'affaire des quatre reports successifs de la sortie de Jane Eyre, qui retardèrent d'une bonne dizaine de mois l'exploitation de cette oeuvre filmique dans l'hexagone ?

Prochainement, j'évoquerai la figure de Pierre Corneille, nouveau volet de ces écrivains dont la France ne veut plus.

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