samedi 27 septembre 2014

Requiem pour les musées de cire.

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Si "Karpathia" de Mathias Menegoz avait été publié il y a deux ou trois ans, il n'aurait eu aucune ligne de critique. S'il avait bénéficié d'une publication voici encore six mois à un an, cette critique aurait été succincte, se serait encore limitée à quelques entrefilets en dehors d'un certain écho parmi les blogs littéraires. Mais "Karpathia" eut la chance de paraître au bon moment alors que la critique littéraire, en ces basculements, effets de mode dont elle seule a le secret, venait enfin de délaisser les dithyrambes en faveur de la non littérature auto-fictionnelle. Ce livre remarquable fit donc l'objet d'un véritable article critique. (Traité du retournement hollandiste de la critique littéraire en faveur de la vraie littérature d'évasion et de réflexion après l'ère du marasme intégral et des errements du temps de la Pie Grise)

Je connaissais et j'avais repéré tous leurs académismes, toutes leurs doxas : la nudité intégrale des corps indissociable de la danse contemporaine, l'obligation faite en arts plastiques des seuls ready-made et art conceptuel, la transposition obligée et imposée par les metteurs en scènes infatués de caprices, d'ego et de démagogie, qu'ils fussent de théâtre ou d'opéra, du cadre, de l'action, de toutes les oeuvres antérieures au XXe siècle dans un contemporain vague, fluctuant, dans un éternel présent compréhensible immédiatement par une coterie intellectuelle qui refusait l'Histoire et ses références. (Réflexions du Nouveau Marcel Proust)

LGBT oui, mais LGBT singulièrement restreints au présentisme immédiat, à un passé proche n'excédant pas les trente à quarante-cinq dernières années. C'était pourquoi ni Rimbaud, ni Rosa Bonheur, ni Renée Vivien n'avaient leurs faveurs. Ils et elles étaient conséquemment réduits au silence par les médias officiels branchés qui ne leur consacraient aucune émission, même commémorative. (Mémoires d'un anti-critique du XXIe siècle).

Les musées de cire agonisent en silence. Ils se taisent ; les statues sont muettes, frappées par un mal mystérieux : une mutité quintessentielle. 
Les musées de cire...cet imagier surfait, d'Epinal, naïf et en trois dimensions. Quels noms pompeux arboraient-ils, brandissaient-ils comme des bannières claquant au vent ?
Ils avaient des ambitions, des prétentions historiques. Ils se revendiquaient de l'héritage de nos pères, de la troisième République, de Dumas, de Michelet. Je les vis, je les visitai, en 1976, 1977, 1978, 1981, encore en 1987 et au-delà... Je débutai par le musée Grévin, le seul qui eût survécu. Car les autres, tous les autres, ont mis la clef sous la porte.
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Ils s'appelaient musée de cire du vieux Montmartre, musée de cire de Rocamadour, historial de haute Auvergne d'Aurillac, musée Grévin du Forum des Halles, musée de cire d'Albi, musée Jeanne d'Arc de Rouen. Ils se sont tus pour toujours, leurs effigies dispersées, leurs collections éparpillées... Ces statues détruites, fondues peut-être ? Tristesse !
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A Albi, j'admirais la reproduction hypothétique de cette féministe, de cette précieuse brune aux boucles gracieuses :Antoinette de Salvan de Saliès au sujet de laquelle mon oncle s'exclama : "Elle n'est pas mal !" Elle écrivit un roman illustre en son temps, le Siècle de Louis XIV : La Comtesse Isembourg. Elle fonda L'Académie de la Bonne Foi, sorte de société secrète tout en dénonçant, comme Molière, le mariage forcé des jeunes filles avec des barbons, des Géronte.
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C'était instructif, les musées de cire ! 

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 Celui de Rouen rendit les armes le dernier, en octobre 2012.

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Tous semble-t-il, sont morts, ont disparu, pour raison de non rentabilité : ainsi en a-t-il été pour le musée Grévin du Forum des Halles, axé sur la période 1900, qui ne tint que 15 misérables années (1981-1996), car désormais, les musées de cire, avec leurs mannequins roidis, figés, historiés, véhiculant une idée de la grande Histoire frappée d'obsolescence, voire suspecte de nostalgie nationaliste, passéiste ou trop "locale",
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 manière de voir l'Histoire que l'on reprocha à un Alain Decaux ou plus récemment, à un Stéphane Bern, ne sont plus des attractions en vogue, et n'ont plus ni légitimité, ni pérennité, ni durée. Ils appartiennent à ce royaume de l'éphémère, du volatil, et c'est dommage. Le public, touristes ou autres, les a désertés, voire est passé devant leur huis, sans même les remarquer.

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Ils appartenaient à une conception imagée, événementielle, anecdotique de l'Histoire, frappée de ringardise, avec ses cohortes de gloires locales fanées, surannées, parfois même saintes, hagiographiques, tel Saint Géraud à Aurillac, Jeanne d'Arc à Rouen ou encore Saint Amadour à Rocamadour. Ils se peuplaient de représentations parfois hypothétiques, mythiques, mythifiées même, aux costumes approximatifs quoique souvent fort beaux, mais entachés d'erreurs, d'anachronismes. Ces saynètes, ces mises en scène, revêtaient un caractère aseptisé : il n'était pas question de reproduire la crasse, l'extrême misère des populations des époques reconstituées, la violence des sociétés anciennes : place aux personnages notables, selon une lecture positiviste de l'Histoire de France héritée d'Auguste Comte et d'Ernest Lavisse... une Histoire franco centrée, justement ! C'étaient par conséquent des musées "Volumétrix", quelque peu fastueux, théâtraux, très didactiques, bien qu'ils fussent souvent aménagés dans des caves et des sous-sols humides, un peu plongés dans la pénombre (à cause du risque de fonte de la cire des mannequins interdisant tout recours à des éclairages trop violents), des musées ainsi surnommés parce qu'ils me rappellent ces images anonymes bariolées et gouachées que l'on découpait à l'école primaire afin de les coller sur les cahiers d'Histoire.
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 Faut-il en être nostalgique ? L'une des représentations les plus fascinantes dont je me souviens encore est cette vision fugitive, évaporée chez nos contemporains, du pape Sylvestre II avec l'Empereur Otton III, en l'historial de haute Auvergne d'Aurillac. C'était en août 1978...

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Adieu, chers vieux musées aux mannequins disparus outre nulle-part !

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