dimanche 13 octobre 2013

Arte, Patrice Chéreau et la musique des XVIe et XVIIe siècles.

Ils donnaient avec constance le bâton pour se faire battre par les partisans de la pire réaction. (le Nouveau Victor Hugo).

Ils donnent toujours l'impression de prendre le train en marche, de courir le sprint derrière le wagon de queue, alors qu'ils devraient conduire la motrice. (un chroniqueur socio-politique avisé)

Il eût fallu conserver une Eglise catholique forte et un Parti communiste puissant. (un historien post-catastrophiste)

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Ceci n'est pas une fable...
Je m'en réjouissais par avance : enfin, à une heure de grande écoute (19h), Arte allait consacrer son temps, pour seulement la quatrième ou cinquième fois en une décennie (!) à de la musique antérieure à Jean-Sébastien Bach. Télérama l'annonçait, le supplément télé du Monde de dimanche dernier aussi. 
Baste et gasp ! Quelle déception ! Une fois de trop, Arte a dépassé les bornes : elle a interverti les deux concerts prévus ce 13 octobre 2013, de minutage semblable, diffusant celui  programmé à l'origine à 23h15 (la musique italienne baroque) à 19h00 en lieu et place des oeuvres dirigées à Versailles par Olivier Schneebeli repoussées à une heure du matin, après un troisième hommage dominical à Patrice Chéreau ! Vous savez ce que cela signifie ?
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Si l'on se réfère à la politique culturelle d'Arte et consort, on peut désormais considérer que les compositeurs antérieurs à Vivaldi sont inécoutables donc improgrammables à la télé, tout comme les peintres antérieurs à l'impressionnisme sont incompréhensibles ! Oui, vous avez bien lu : Patrice Chéreau n'a été qu'un prétexte dans une déprogrammation sauvage digne de TFI (la seule chaîne cf Diapason, à avoir annoncé le décès d'Henri Dutilleux le 22 mai dernier) qui trahit le fait qu'Arte, aussi, vise désormais l'audience : la musique baroque italienne intéressera forcément plus de péquenots que la non rentable polyphonie d'Eustache du Caurroy et de Claude Le Jeune, aussi géniale puisse être l'interprétation des chanteurs d'Olivier Schneebeli ! Monsieur Scheebeli fut un pionnier remarquable : on lui doit l'exhumation d'un grand compositeur de l'époque Louis XIII : Guillaume Bouzignac : c'était en 1985, du temps où, grâce à des hommes extraordinaires vulgarisateurs comme Eric Lipmann puis Philippe Meyer, on pouvait écouter du Bouzignac, de l'Allegri ou du Jean Cras à la télévision... beaucoup de musique de chambre aussi : mais le marché est venu pestiférer et véroler l'étrange lucarne qui part désormais en gangrène gazeuse et en putréfaction liquide diarrhéique.
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Comme l'aurait déclaré un tirailleur sénégalais du début du XXe siècle : Hayek ya pas bon !
De fait, Arte se sent archi morveuse d'un impair estival absolu : elle avait dédaigné retransmettre l'Elektra de Chéreau au festival d'Aix, lui préférant Rigoletto du plus bankable Giuseppe Verdi. Diapason, dans son dernier éditorial, a parlé aussi de cette turpitude de l'ex-chaîne culturelle (le week-end seulement, telle une sorte de cinquième quart de la journée...de rattrapage).  Rappelons que le 31 décembre approche à grands pas et qu'Arte n'a toujours pas fait entendre une seule note d'Arcangelo Corelli (mort en 1713), de Charles Trenet (né en 1913) et de Benjamin Britten (né en 1913). Pour une chaîne boboiste chébran qui soutient à fond la caisse les LGBT, il est étrange de manifester un désintérêt intégral envers les deux derniers immenses musiciens cités, pourtant gays (Britten demeura fidèle toute sa vie à Peter Pears et mourut dans ses bras en 1976)... Mystère et boule de gomme. 
En réalité, il y a bien eu un magazine d'Arte consacré à l'Elektra de Chéreau, mais diffusé et rediffusé dans l'habituel ghetto dominical du matin ou de l'après-midi, lorsque les bobos se prélassent hors les murs de Paris et ne regardent pas la téloche : à ces occasions ineffables, Arte retrouve donc son ancien public, qu'on accusait à tort d'être exclusivement constitué de vieillards de plus de 57 ans ! Beau prétexte pour dénaturer une chaîne qui fut géniale de 1990 à 2005 et que j'ai regardée dès l'origine alors que je n'avais que 25 ans.
Qu'aurait écrit sur le forfait d'Arte notre cher Cyber Léon Bloy ?
En lieu et place du forcément admirable ultime opus de mise en scène de feu Monsieur Chéreau, nous eûmes droit à une transposition c(l)ownesque de Paillasse prostitutionnel propre à séduire les exégètes "branchés"(comme on eût dit autrefois des pendus), interprétation obtuse et traîtresse, tout en contresens, de "Rigoletto". Une fois de plus, Arte, tel le cochon, s'était dédit(e) de sa mission, qu'écris-je, de son sacerdoce culturel destiné à compenser toutes les putréfactions manifestées en ce haut domaine par l'unanimité des autres chaînes depuis 1985 et le sabotage de la série documentaire franco-japonaise sur le musée du Louvre, dont le Pharaon florentin alors au pouvoir craignait qu'elle fît ombrage aux métamorphoses radicales et pyramidales qu'il concoctait pour ce temple des arts. Vieilles jasses !

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Au fait, qui se souvient des Musiciens du soir, fameuse émission de Serge Kaufmann, dont le générique était  une oeuvre vocale de musique baroque chantée par des amateurs éclairés ?

Addendum :   de fait, dans cette lamentable affaire, Arte a commis un pataquès abracadabrantesque. Si l'on suit les magazines télé parus voilà une semaine, il était bien spécifié qu'au départ aurait dû être diffusé, en deux parties, le concert de la Chapelle royale de Versailles enregistré en 2010 : en première partie, à 19h, les motets de Bernier, Campra, Delalande et Cie, d'époque Louis XIV ou début Louis XV, avec, aux commandes, le choeur de chambre de Namur ; en seconde partie, vers 23h15, Olivier Schneebeli dirigeant le choeur du Centre de musique baroque de Versailles, avec des oeuvres de compositeurs contemporains d'Henri IV.
La mort du grand metteur en scène Patrice Chéreau n'explique pas toutes les bévues, puisque, dès la parution de Télérama, le mercredi, les deux parties du concert semblaient n'en faire plus qu'une, prévue à 19h, alors qu'à 23h15 était annoncée la musique baroque italienne, qui, comme l'on sait, a bénéficié de l'interversion finale. A mon avis, c'est une question de montage, de longueur mal évaluée de l'émission qui a d'abord joué, en plus de la réorganisation de la grille due aux hommages à Patrice Chéreau. Les programmateurs d'Arte ne connaissent même pas les minutages des émissions qu'ils doivent diffuser, commettant des erreurs regrettables que je croyais ne pouvoir trouver que sur des chaînes privées qui se moquent comme d'une guigne des horaires, minutages et autres. A bon entendeur salut.

1 commentaire:

  1. Mise à jour nécessaire au sujet de Benjamin Britten : Arte a attendu pile (comme pour Liszt il y a deux ans) le mois correspondant au centième anniversaire de la naissance du compositeur, soit novembre 2013, pour se réveiller : ainsi a été diffusé son War requiem un dimanche soir tandis que F3, à une heure impossible pour noctambules avertis, retransmettait enregistré, hélas, The turn of the screw, l'opéra inspiré du Tour d'écrou d'Henry James. Seule Mezzo s'est donc fendue d'un hommage correct au grand compositeur britannique que Pierre Boulez n'appréciait pas.

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